Démocratie technique

En octobre 2020, nous avons mis sur pattes au sein de l’association un groupe de travail sur la démocratisation des choix technologiques. Il s’agit d’étudier et de rendre visible des initiatives, tant institutionnelles que citoyennes, qui tentent de peser dans le déploiement local de nouvelles technologies (refus, limitations, négociations des modalités de mise en place, etc.). 

Ce sujet est important dans la mesure où technologies et détournements démocratiques se heurtent aujourd’hui de manière frontale. Dans notre newsletter de décembre (lien), nous avions mentionné à titre d’exemple le référendum qui a eu lieu en Californie pour trancher sur le statut des travailleurs de la « Gig economy ». Uber et Lyft ont à elles seules dépensé plus de 200 millions de dollars pour promouvoir le « oui », allant jusqu’à afficher des messages sur les applications mobiles de leurs clients… un procédé gagnant dont la validité démocratique mérite d’être interrogée, et qui n’est pas sans rappeler l’état du débat en France (lien). Nous aurions pu également citer le projet de loi qui est actuellement en débat au Nevada pour la création de nouvelles zones d’activité qui permettraient aux entreprises technologiques de former des gouvernements locaux ayant la même autorité que les comtés – y compris la capacité d’imposer des taxes, de former des districts scolaires et des tribunaux, de fournir des services gouvernementaux – (lien), ou encore l’ingérence de Thalès dans la gestion de la ville de Nice (lien). 

Concrètement, nous avons pour le moment sélectionné 4 initiatives que nous suivons et documentons.

Le Citizens’ Biometrics Council (UK), sorte de conférence citoyenne organisée par le Ada Lovelace Institute (lien) à Londres sur les technologies biométriques. Le Conseil est une assemblée de citoyens qui ont délibéré à propos de ces technologies, et dont les recommandations sont attendues pour le mois de mars 2021. Notre premier entretien avec Aidan Peppin, Senior Researcher au Ada Lovelace Institute (lien), permet d’entrevoir les mécanismes à l’œuvre pour animer ce format bien particulier où des personnes « profanes » s’approprient un sujet complexe au contact d’experts de différentes discipline. Il est aussi intéressant de se demander dans quelle mesure ce format légitime et entérine un usage « encadré » de technologies à fort potentiel liberticide alors que beaucoup d’associations demandent un bannissement pur et simple de la reconnaissance faciale – nous pensons par exemple à l’Initiative citoyenne européenne (ICE) organisée par l’EDRI qui va en ce sens, et qui se base notamment sur la campagne Reclaim Your Face, qui a déjà récolté plus de 10 000 signatures. 

La conférence citoyenne sur la 5G, organisée par la Mairie de Paris, et plus largement, les multiples consultations qui ont été menées en France sur le sujet. Nous formalisons actuellement un premier recensement de ces initiatives (lien à venir).

Les mobilisations autour des JO 2024 qui ont cours en ce moment en Seine-Saint-Denis. Des grands projets démesurés d’aménagement du territoire aux expérimentations de nouvelles technologies de surveillance, c’est le même imaginaire prométhéen, d’un progrès pour le progrès, apte à tout justifier, que nous retrouvons partout dans ces jeux olympiques. Regroupés derrière la bannière et le prétexte du « méga projet sportif » des JO, ces projets se heurtent pourtant à de fortes contestations locales, dans un territoire déjà animé et considérablement éprouvé par des luttes persistantes (Grand Paris, Triangle de Gonesse, data centers à La Courneuve…). Nous souhaitons ainsi proposer un récit de ces mobilisations citoyennes, déterminée à exister démocratiquement dans des décisions où elles n’ont jamais été prises en compte… alors même qu’elles sont les premières impactées par ces aménagements et projets technologiques.

Les luttes et mouvements citoyens berlinois, organisés en réaction à un mouvement de gentrification qui concerne tous les quartiers et en premier lieu ceux qui furent historiquement les plus désavantagés (Kreuzberg, Neukölln, Friedrichshain). Nous essaierons de porter attention aux acteurs de quartier à Kreuzberg qui se sont notamment fédérés autour du mouvement Bizim Kiez, visant à empêcher la fermeture et l’expulsion d’un épicier historique du quartier. Nous essaierons également de documenter d’autres projets immobiliers emblématiques de cette gentrification (Mediaspree, RAW) qui, dopé par l’essor du secteur numérique Berlinois, s’accompagne également de résistances d’ordre culturel et symbolique tels que les mouvement de destruction de trottinettes électriques.