Gros mots et grandes idées
Quelques ressources pour une analyse intersectionnelle des technologies
La critique des technologies peut-elle se couper d’une remise en question des inégalités et discriminations ? Si on pose la question, c’est qu’on a une petite idée de la réponse…
Ces inégalités et ces discriminations sont multiples et se conjuguent pour exclure ou marginaliser certains groupes sociaux. C’est ce que permet de comprendre l’approche par l’intersectionnalité, encore trop peu mobilisée dans les travaux critiquant les technologies.
Les sujets qu’aborde Le Mouton Numérique (démocratie, surveillance, smart cities, environnement…) peuvent tous être enrichis par une approche intersectionnelle qui mettrait plus étroitement en résonance les enjeux posés par les technologies avec les questions sociales et politiques.
Les ressources agrégées ici sont la première itération, comme on dit dans la start-up nation, d’un projet plus large de médiathèque techno-critique intersectionnelle sur lequel nous travaillons. Ne cherchez donc pas l’exhaustivité ! La sélection est subjective et basée sur ce que nous avons lu et écouté. Vous trouverez principalement des podcasts et des livres, en français ou en anglais. Pour chaque ressource, un petit résumé de l’écoute ou de la lecture qu’un.e des membres de l’association en a fait. Dans chaque sous-partie, nous avons classé les ressources en allant de celles qui nous semblaient le plus accessible à celles qui nous ont semblé les plus ardues : plus il y a de pelotes, plus c’est coton ! Une question ? Un désaccord ? Une remarque ? Une suggestion ? Ecrivez-nous à : bonjour[at]mouton-numerique[point]org |
Mais déjà, c’est quoi l’intersectionnalité ?
Avant de rentrer dans le vif du sujet, commençons par le commencement et faisons le point sur l’approche intersectionnelle.
Si vous n’avez jamais entendu parler d’ « intersectionnalité » – ou si vous n’en avez entendu que des caricatures venimeuses – on a rassemblé quelques ressources pour mieux comprendre ce qui est (vraiment) en jeu.

[Français] [Podcast] Le podcast de Rokhaya Diallo et Grace Ly « Kiffe ta race » (Binge Audio, depuis 2018)
[Français] [Podcast] « Intersectionnalité, j’écris ton nom ! » avec Kaoutar Harchi dans le podcast de Clémentine Gallot « Quoi de Meuf ? » (Nouvelles Écoutes, 2020)
[Anglais sous-titré en français] [Ted Talk] Kimberlé Crenshaw, « The urgency of intersectionality », TED Talk (2016)
[Français] [Podcast] « Handicap et validisme » avec Elisa Rojas et Alister Houdayer dans le podcast de Guillaume Hachez « Septante Minutes » (J’aime Bien Quand Tu Parles, 2020)
[Français] [Livre] Sarah Mazouz, Race, Editions Anamosa, 2020
[Français] [Livre] Fatima Ouassak, La puissance des mères, pour un nouveau sujet révolutionnaire, La Découverte, 2020


[Français] [Livre] bell hooks, De la marge au centre, 2017 (version originale en anglais : 1984)
OK, et le rapport avec la technocritique ?
Les présentations faites, on peut passer aux choses sérieuses : les analyses intersectionnelles des systèmes sociotechniques.
La technocritique entend interroger de manière politique la technique, c’est-à-dire notamment, les liens qu’elle tisse avec les formes de pouvoir d’une société donnée. Contre une prétendue neutralité de la technique et plus encore contre son assimilation spontanée à un « progrès » universel, cette approche entend donner à voir comment les évolutions techniques sont orientées par les rapports de pouvoirs des sociétés dont elles sont issues et comment elles tendent dans le même mouvement à les réarticuler. Or la répartition du pouvoir au sein d’une société n’est pas homogène, pas plus que la manière dont les différentes catégories de la population y sont confrontées.
C’est justement ce que l’outil intersectionnel peut permettre d’interroger avec ceci de particulier qu’il met également l’accent sur les individus et les groupes sociaux. Ainsi l’approche intersectionnelle appliquée aux technologies contemporaines revient non seulement à s’intéresser aux infrastructures et aux personnes qui les pensent et mettent en place, mais également aux personnes qui, à des degrés divers, sont exposées aux bénéfices et aux préjudices produits. En d’autres termes, elle permet d’avoir une approche plus fine mais aussi plus dynamique des évolutions techniques de nos sociétés, de leurs impacts et des rapports de pouvoir qui les sous-tendent.
L’approche intersectionnelle est riche non pas seulement pour l’analyse qu’elle permet mais aussi en ce qu’elle vient questionner nos positions sociales et nos interactions… On ne peut pas ne pas avoir à l’esprit que passer du temps à débattre des enjeux socio-techniques est un luxe que tout le monde ne peut pas se permettre. Plus globalement, nos visions du monde, nos analyses comme nos savoirs sont situés et il en va de même de nos visions des systèmes sociotechniques qui nous entourent.
Alors si on peut se permettre de technocritiquer, autant en profiter pour faire entendre d’autres voix et contribuer à faire connaître d’autres analyses techno-critiques.

[Français] [Podcast] Le podcast Awa Ndiaye et Jeremy Lezac « Tête À Tech » (depuis 2018)
[Français] [Podcast] « Des ordis, des souris et des hommes » avec Isabelle Collet dans le podcast de Victoire Tuaillon « Les couilles sur la table » (Binge, 2020)
[Français] [Livre] Dominique Pasquier, L’internet des familles modestes. Enquête dans la France rurale, 2018
[Français] [Article de blog] Marc Jahjah, « Race, intersectionnalité et études critiques du code informatique », marcjahjah.net, 2020

[Anglais] [Livre] Virginia Eubanks, Automating Inequality: How High-Tech Tools Profile, Police, and Punish the Poor, 2018

[Anglais] [Livre] Ruha Benjamin, Race After Technology: Abolitionist Tools for the New Jim Code, 2019
À poursuivre…
Les pelotes viennent de : Grégory Montigny from the Noun Project
Sur le livre de Ruha Benjamin, une recension en français par là : https://www.internetactu.net/2020/09/15/de-lautomatisation-de-la-discrimination/