Présentation du groupe de travail
[À rédiger par le groupe]
Évolutions du groupe de travail
Nous avions commencé un recensement le printemps dernier, lors du premier confinement, pressés par la profusion de technologies de surveillance en réponse à l’épidémie. Applications, drones, bracelets électroniques, reconnaissance faciale, tous les outils ont été mobilisés, banalisant le recours à la surveillance en réponse à la crise sanitaire.
Au fur et à mesure du travail, la surveillance telle qu’on l’entend communément, comme surveillance répressive et intrusive, qui limite nos libertés et viole notre vie privée, nous est apparue bien trop étroite pour qualifier le phénomène qui se dessine : celui d’une surveillance à la fois diffuse et banale, quotidienne et insidieuse, presque invisible, bien loin de l’image de 1984. Plus encore, nous nous sommes demandé si travailler à partir d’une définition floue de surveillance sans la questionner ne risquait pas de cantonner nos recherches et nos actions à la défense de la vie privée, au risque de manquer les enjeux de cette nouvelle surveillance dont nous apercevons les contours.
Certes, la surveillance « sécuritaire » est toujours d’actualité – comme nous le rappelle récemment la loi de sécurité globale. Elle est mobilisée comme outil de maintien de l’ordre, par le renseignement ou par la police qui déploie des drones et des caméras-piéton dans le cadre des manifestations. Plus largement, on la retrouve sur les lieux de travail, à l’entrée des écoles, dans les commerces et dans l’espace public, comme gage de « sécurité ». Elle relève principalement de l’État, même si l’on assiste en France à une forme de privatisation qui n’est pas sans questionner.
Mais il y a aussi le traçage, des cookies qui suivent à la trace nos comportements en ligne, aux applis de traçage de contact, aux capteurs disséminés de la smart city. De caractère moins répressif, cette surveillance fonctionne un peu comme un « liant social » : « optimiser » l’aménagement urbain, filtrer les contenus en ligne, inciter à l’achat… Parfois imposée, mais aussi désirée, la mise en données fonctionne à la fois comme mode “innovant” d’administrer la cité et d’organiser les marchés.
Le dénominateur commun de ces pratiques est la donnée, à son tour incluse dans une logique capitaliste, le fameux « capitalisme de surveillance ». Shoshana Zuboff (dont le très célèbre L’Age du capitalisme de la surveillance vient de paraitre en français) estime qu’il a pour but d’influencer vos comportements ; Evgeny Morozov (dont la critique vient d’être traduite) vous dira que ce n’est qu’une petite facette du capitalisme numérique ; Christophe Masutti, lui, que cela fait au moins 60 ans que les données sont récoltées, exploitées à des fins de profit, et transformées en marchandises à part entière, comme dans la pratique du courtage de données (data brokers en anglais). Il en demeure que si la majeure partie des infrastructures numériques et des espaces en ligne sont propriétaires et privés, les liens qui s’y tissent – globalement une très large partie de notre vie sociale et politique – servent donc à alimenter malgré nous cette machine capitaliste et surveillante.
Ces trois aspects de la surveillance la sécurité, le « traçage » par les données et le « capitalisme de surveillance » renvoient au fond à la grande question de l’informatisation de nos sociétés, le « tout numérique » (the « datafication of everything » dirait Morozov) que les confinements de 2020 n’ont fait qu’accélérer.
Autour de cette triple surveillance se croise une foule d’intérêts publics et privés : toute une industrie de la vidéosurveillance et de la publicité qui pressent, un gouvernement enclin à accommoder, désireux qu’il est de rester au pas de la compétition mondiale sans en questionner la direction… Mais cette triple surveillance relève aussi d’une culture, d’une idéologie « solutionniste », qui consiste à vouloir « résoudre » chaque problème qui se pose, qu’il soit politique ou social, par un outil – surtout s’il s’appuie sur la collecte de données, grand gage d’innovation et d’objectivité. Ce réflexe solutionniste normalise et banalise la surveillance ; il la rend acceptable, sinon naturelle et nécessaire pour répondre à chaque crise, qu’elle soit sanitaire, sécuritaire, politique ou sociale.
Avec la redéfinition du problème vient une redéfinition du travail à entreprendre. Il s’agit d’une part de remettre en cause la notion de surveillance au profit d’un concept plus large et donc plus approprié. Quelles sont les interactions entre surveillance « sécuritaire », gouvernement par la donnée et capitalisme de surveillance ? Quels intérets s’y croisent? Comment employer à bon escient les armes de la technocritique sans pour autant rejeter cette technologie qui sous-tend bon nombre de nos interactions sociales ?
Très concrètement, voici ce que nous aimerions faire.
Renforcer nos défenses immunitaires contre la surveillance
DOCUMENTER
Continuer à veiller sur le déploiement des outils de surveillance. En ce qui concerne ceux déployés en réponse à la crise sanitaire, bientôt un premier point sur les applications de traçage de contact, outils préférés pour lutter contre la propagation du COVID-19. Pas facile, néanmoins, de travailler lorsque l’on dispose de très peu d’informations. Il s’agit alors de documenter et d’informer autant que possible, et d’alerter sur le manque actuel de transparence autour de tous les outils employés. Grâce à la veille, les controverses entourant le déploiement des outils de surveillance feront ainsi l’objet d’un suivi précis et régulier, tandis que différentes communications à l’égard des citoyens et des utilateurs permettront d’alerter sur la réalité de ce phénomène.
RÉFLÉCHIR
Plus largement, la crise sanitaire n’a fait qu’illustrer, il nous semble, une manière très particulière de répondre à des urgences et des problèmes politiques par la surveillance. Simple réflexe solutionniste ? Oui, mais encore ? Là où l’on sent un manque de confiance, là où pointe un manque cohésion sociale (réel ou fantasmé) apparaît la surveillance : vidéo-surveillance, reconnaissance faciale, surveillance des contenus en ligne… De quoi ce recours à la surveillance est-il le nom ?
S’OPPOSER ET PROPOSER
Sommes-nous pour autant démunis ? Non ! Il existe déjà toute une série de réponses à la surveillance. Alors, au programme : un travail sur les outils juridiques à disposition et sur le rôle (et les limites) du droit. Celui-ci introduit-il des gardes-fous effectifs, ou permet-il au contraire, via l’instauration de lois « d’encadrement », de légitimer les pratiques de surveillance en les légalisant ? Et puis : des ateliers d’auto-défense numérique. Et encore : un autre recensement, mais cette fois de toutes les victoires, de toutes les initiatives qui parviennent à travers le monde à renforcer nos défenses contre la surveillance.
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